Obésité

L'obésité chez l'âne et ses principales conséquences.

Originaire d'Asie et d'Afrique, l'âne est adapté à des conditions "semi-désertiques". En effet, il supporte facilement la chaleur ainsi que la sécheresse. Une nourriture de pauvre qualité en quantité limitée suffit à le maintenir dans un état corporel correct. Il en est tout autrement dans nos régions tempérées où la végétation est très abondante et riche. Il n'est donc pas rare de voir chez nous des ânes dont l'embonpoint est bien marqué.


L'obésité résulte d'un excès d'apports en énergie par rapport aux besoins de l'animal. Un animal qui mange trop par rapport à ce qu'il dépense va stocker le surplus sous forme de dépôts graisseux dans tout le corps et devenir progressivement obèse. Pour rééquilibrer la balance "apports-besoins" il faut diminuer la ration de l'animal et/ou lui proposer un exercice régulier.

Quelles sont les conséquences de l'obésité ?

Il y a deux classes de problèmes de santé liés à l'excès de poids : les problèmes locomoteurs et les problèmes métaboliques (c'est-à-dire de fonctionnement interne de l'organisme).

De quoi s'agit-il ?

1) problèmes locomoteurs


Lorsqu'un âne est trop lourd, son squelette et ses articulations subissent des contraintes beaucoup plus importantes que chez un sujet normal. On comprend donc aisément que les ânes obèses soient davantage prédisposés aux problèmes articulaires et par conséquent à certaines boiteries.

De plus, il a été montré lors d'études scientifiques que les animaux obèses présentaient beaucoup plus fréquemment que les autres des fourbures.

La fourbure est une maladie du pied au cours de laquelle une inflammation importante se développe entre le pied de chair et le sabot. Ceux-ci finissent par glisser l'un par rapport à l'autre au lieu d'être soudés. Il en résulte une descente du pied de chair dans la boite cornée (sabot). Cette maladie est très douloureuse pour l'animal et peut dans certains cas mener à l'euthanasie.

2) problèmes métaboliques

Le principal problème métabolique lié à l'obésité est appelé "hyperlipémie". Ce mot peut être traduit de manière simplifiée par "quantité excessive de graisse dans le sang". Ce problème survient le plus fréquemment lorsqu'un âne habitué à recevoir trop de nourriture par rapport à ses besoins énergétiques se trouve tout à coup dans la situation inverse. Par exemple : une ânesse en fin de gestation ou en lactation, une maladie ou un stress accompagné d'une perte d'appétit, une forte boiterie qui empêche l'âne de se déplacer pour prendre sa nourriture, etc. Dans tous ces cas, les besoins énergétiques ne sont pas couverts par ce que l'âne mange. Celui-ci doit dès lors puiser dans ses réserves (donc les dépôts de graisse) pour combler le déficit.

En cas d'hyperlipémie, cette mobilisation de graisses de réserve se fait de manière démesurée. La graisse est tout d'abord transportée par le sang jusqu'au foie qui la transforme afin de la rendre utilisable par l'organisme. Elle est ensuite transportée dans tout le corps (toujours via le sang) et va s'infiltrer dans de nombreux organes tels que le foie, les reins, le cœur, les muscles. Ceux-ci, "noyés" par la graisse ne peuvent plus fonctionner normalement. Les conséquences sont souvent fatales pour l'âne.

Les symptômes sont malheureusement non spécifiques, autrement dit on peut les retrouver dans de nombreuses autres maladies, ce qui ne facilite pas le travail du vétérinaire. On peut observer de légers changements de comportement, un manque d'appétit, de la dépression, des matières fécales dures et sèches ainsi que de la douleur abdominale. Souvent, l'âne ne se déplace pas volontiers ou bien a une démarche anormale
Une prise de sang est indispensable pour poser un diagnostic, ainsi que pour donner un pronostic de survie. Celui-ci est meilleur (ou plutôt moins mauvais) pour les animaux non obèses. Plus le diagnostic est précoce, plus les chances de guérison augmentent. Malheureusement, beaucoup de cas nécessiteront l'euthanasie!

Pour éviter d'en arriver là, mieux vaut prévenir que guérir :
- Eviter l'obésité diminue très fortement les risques d'hyperlipémie.
- Bien surveiller les ânes se trouvant dans une situation "à risque" : maladie, boiterie, gestation, stress, etc (cfr ci-dessus), pour s'assurer qu'ils s'alimentent correctement. On évite ainsi qu'ils ne mobilisent leurs graisses de réserve et donc qu'ils ne déclenchent une hyperlipémie.

Mon âne est-il obèse ?

Evaluation de l'état corporel d'un âne :

- Situation idéale : côtes non visibles mais palpables, pas de dépôts graisseux. On peut donc assez facilement palper les côtes en passant la main sur le thorax de l'âne.

- Ane trop gros : côtes non palpables (ou difficilement), dépôts de graisse sur le dos, les côtes, la croupe et l’encolure. Attention, les dépôts graisseux sur l'encolure persistent fréquemment malgré un bon régime. Il est donc possible de les observer chez des ânes trop maigres !

- Ane trop maigre : côtes visibles et palpables immédiatement sous la peau, colonne vertébrale saillante.

Comment le faire maigrir ?

Il est très important de ne pas vouloir aller trop vite. Un régime trop strict et trop brusque risque de déclencher une hyperlipémie.

L'objectif est une perte de 2 à 4 kg par mois. Cette perte de poids est impossible à observer à l'œil nu. Dès lors, on peut évaluer celle-ci en mesurant le périmètre thoracique de l'animal (avec un mètre ruban, juste derrière les membres antérieurs) : 2 à 4 kg correspondent à 1 à 2 cm de périmètre thoracique. 

Pour y arriver :

1) Diminuer d'environ 10% les apports en énergie :


- Diviser la pâture en plusieurs parties et faire une tournante. Si cela est possible, faire pâturer des moutons sur la prairie avant d'y mettre les ânes. Celle-ci sera moins riche quand les ânes y arriveront. On peut aussi diminuer le temps passé en prairie.

- En hiver, lorsque les animaux reçoivent une ration complémentaire, diminuer les apports en remplaçant en partie un aliment riche en énergie par un autre plus pauvre. Par exemple : remplacer une partie de la ration de foin par de la paille. L'animal reçoit donc un même volume de nourriture ce qui permet de calmer sa faim tout en ingérant moins d'énergie. A titre de point de repère, 1 kg de foin correspond à environs 2 à 3 kg de paille ou à 2 kg de carottes (à utiliser tout de même avec une certaine modération).


2) Augmenter les besoins énergétiques :


- Un exercice léger et régulier permet non seulement de faire maigrir l'animal mais aussi de le maintenir en bonne forme physique (n.b. vrai aussi pour le propriétaire !).


Les clés de la réussite sont la patience et la détermination.

Conclusion

L’âne n’est pas fait pour vivre dans nos régions. C’est à nous qu’il appartient de mettre en œuvre ce qui est nécessaire pour lui éviter d’avoir à en souffrir. Un régime bien adapté et une bonne surveillance peuvent éviter beaucoup d’ennuis.

- Dr Véronique Delvaux -